«Vraiment, on aime la grève des enseignants parce qu’on ne va plus à l’école. Donc on a le temps de se promener et de faire ce qu’on veut. C’est à dire dormir, causer, fumer de la chicha et boire de l’alcool », dixit le jeune M Sow, un élève en classe de neuvième année de l’école publique de N’Gabakoro droit dans la commune de Moribabougou.


Une école déserte et quelque rares élèves venus installer le "grin" dans l’immense cour de l’école publique fondamentale de N’Gabakoro droit, tel est le constat au lendemain du premier jour de grève des enseignants entamé ce lundi 6 janvier 2020. Si aucune entente n’est conclue ; la grève perdurera 120 heures soit 5 jours qui prendront fin, le vendredi 10 janvier 2020.

La principale raison évoquée de cette grève des enseignants des écoles publiques est la non-application de l’augmentation de 20 % des salaires accordée par le gouvernement à tous les membres de l’Union National des Travailleurs du Mali (UNTM) qui sont régis par le statut général.

Par contre, le personnel enseignant de l’Enseignement secondaire, de l’Enseignement fondamental et de l’Education préscolaire et spéciale est régis par la Loi du 16 janvier 2018 portant statut du personnel enseignant qui dispose en son article 39 des dispositions suivantes :  « toute majoration des rémunérations des fonctionnaires relevant du statut général s’applique de plein droit au personnel enseignant de l’Enseignement secondaire, de l’Enseignement fondamental et de l’Education préscolaire et spéciale ».

En somme, d’un côté le gouvernement signe une loi et de l’autre côté il ne l’applique pas : que çà soit une mauvaise manœuvre ou une incompréhension des textes; une chose est sûre les enseignants sont dans leurs droits en revendiquant leur dû.

Selon Monsieur Soumaïla Niaré, Directeur de l’école publique N’Gabakoro droit dans la commune de Moribabougou : «De janvier à juillet 2019, tous les fonctionnaires maliens ont bénéficié d’une augmentation mensuelle de leur salaire sauf les enseignants. Je ne sais pas pourquoi nous n’avons pas bénéficié de cet avantage, mais ce qui est sûr, c’est que nous le méritons au même titre que les autres fonctionnaires de l’état.»

Selon Monsieur Sow, également enseignant au même établissement : « Beaucoup de parents d’élèves n’ont pas compris la cause de la grève. Parce qu’ils se disent que l’année passée, nous avons fait la grève et cette année encore ça reprend. Mais en fait ce n’est pas la même chose. Cette grève n’est pas une nouvelle lutte, c’est une décision du gouvernement qui devrait s’appliquer à tous les travailleurs de l’UNTM et donc aux enseignants, comme le stipule l’article 39 de notre statut. Depuis les grandes vacances 2019, nous avons rencontré plusieurs entités dont les leaders religieux et coutumiers de Bamako, le gouvernement lui-même et tout cela en vue d’éviter cette grève. Mais hélas ! »

En attendant le résultat de ce bras de fer entre le gouvernement malien et les syndicats des enseignants, cette situation semble préoccuper au plus haut niveau certains élèves, comme le témoigne cette jeune femme, nommée Bah Coulibaly et inscrite en classe de 7ème  année fondamentale de l’école publique de N’Gabakoro, qui s’est rendue à l’école afin de vérifier si les cours ne vont pas recommencer bientôt.

Selon elle, «Je veux que la grève se termine pour que les élèves puissent tous avoir satisfaction et passer en classe supérieure.» 
D’autres heureux perdants des grèves sont des élèves insoucieux des conséquences et qui profitent très à l’aise de ces vacances forcées. Pour eux, ces grèves devraient même continuer afin de leur permettre de profiter au maximum de ces « bons moments ».

Selon le jeune M Koïta dont nous tairons l’identité par soucis de représailles, qui est un élève en 9ème année fondamentale de l’école publique de N’Gabakoro : «Vraiment, la grève des enseignants, c’est une bonne chose, car nous avons le temps de faire tout ce que nous voulons. Dès qu’il y a la grève, nous allons " jeter " les sacs à la maison et nous sortons nous amuser, fumer de la chicha et autres ! » nous lance cet élève d’un ton presque normal.

Pour un autre jeune nommé M Sow dont nous tairons également l’identité par soucis de représailles, qui est assis à coté de M.Koïta dans la cour vide de l’école et inscrit dans la même classe : «Vraiment, on aime trop la grève des enseignants parce qu’on ne va plus à l’école. Donc on a le temps de se promener et de faire ce qu’on veut. C’est-à-dire dormir, causer, fumer de la chicha et boire de l’alcool.»

Même si de nombreux jeunes ne succombent pas à des dérives aussi extrêmes, force est de reconnaître que ces perturbations scolaires répétées auront certainement des effets néfastes sur le niveau scolaire des élèves, et peuvent leur donner le temps de s’adonner à des activités dangereuses et/ou criminelles.

 
En effet l’année scolaire 2018-2019 s’est distinguée à travers des grèves intempestives des enseignants. Résultat de la course : les cours ont été dispensés environ 5 mois seulement sur 9 de l’année scolaire.

Sur le sujet, nous avons tendu notre micro à une mère dont les enfants fréquentent l’école publique. Elle n’a pas voulu s’exprimer sur la question tellement, le sujet suscite chagrin et indignation.

Pour cet autre parent d’élèves, Monsieur Aboubacar Sangaré, habitant à N’Gabakoro : «Même si les enseignants doivent rentrer dans leurs droits, l’heure n’est plus au règlement de compte, mais il s’agit de construire l’avenir des enfants surtout des pauvres qui fréquentent ces écoles publiques. » 

Pour lui, l’avenir des enfants des pauvres est vraiment incertain au Mali. 
Selon ses dires : «Vraiment, il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités afin de renforcer la rigueur et le sérieux dans les écoles publiques, car la majorité des Maliens n’ont pas les moyens d’inscrire leurs enfants dans une école privée. À ce rythme-là, les écoles publiques vont  fermer et les écoles privées augmentées. Nous sommes impuissants face à cette situation. Nos dirigeants nous ont montré qu’ils n’en ont rien à faire des nombreuses marches et grèves, donc pour moi ce n’est pas la peine de faire la grève. Seulement, nous demandons au gouvernement de respecter les droits des enseignements en payant correctement leur salaire.»


En attendant, si cette revendication des enseignants n’est pas satisfaite d’autres grèves plus longues sont prévues courant ce mois de janvier jusqu’en février.

Assétou Diarra Diallo et Koita Fatoumata Diaby pour Nouvelles du Mali.